Hier matin s’est déroulée la cérémonie à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France sur la place du 23 janvier 1943 à Marseille.
Pour ne pas oublier les crimes racistes et antisémites et en hommage aux rafles des 16 et 17 juillet 1942, où près de 13 000 femmes, hommes et enfants juifs furent arrêtés par la police française et enfermés au Vélodrome d’Hiver à Paris avant d’être déportés.
Discours de M. Bruno BENJAMIN, 17 juillet 2022
Journée Nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et hommage aux « Justes » de France
“Monsieur le Préfet de la Région, préfet des Bouches-du-Rhône,
Monsieur le président du Conseil Régional,
Mme la présidente du Département et de la Métropole Marseille-Aix-en-Provence,
Monsieur le maire de Marseille,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les présidents d’Associations,
Chers amis,
Toute commémoration a un sens, et celle qui nous réunit aujourd’hui est une référence au passé, un rappel à l’égard de milliers de déportés et de morts, une exhortation à ne jamais oublier. Il s’agit aussi de raconter à nous-mêmes et à nos enfants ce qui nous transcende, ce qui nous unit, quelque chose comme un engagement solennel et partagé. Et surtout, de ne jamais oublier que l’histoire est tragique.
Il est nécessaire, il est même indispensable d’honorer la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de la période la plus sombre de l’histoire de France. Et par la même occasion, de rendre hommage aux « Justes » français, ainsi qu’aux anonymes qui ont contribué à sauver des milliers de Juifs d’une mort certaine.
Les films anciens, régulièrement projetés depuis 1945 nous les restituent tels qu’ils étaient à leur retour des camps, cohorte d’hommes épuisés, amaigris, malades titubant sur leurs jambes décharnées. Dans leurs yeux fixes se lisait l’épouvante, l’horreur terrifiante qui les avait arrachés à eux-mêmes et à leur vie pendant la durée de leur déportation.
Raflés parce qu’ils étaient nés juif, tzigane, homosexuel ou simplement diffèrent.
Ils étaient résistants, arrêtés et déportés parce qu’ils avaient osé relever la tête, défier l’adversité.
Tous ces êtres avaient survécu, pour les autres, et si la plupart d’entre eux ont aujourd’hui disparu après avoir connu l’enfer, la voix de ces milliers qui ont péri après avoir enduré la cruauté de leurs geôliers, ne s’est pas tue. Elle continue de nous hanter et de nous interpeller pour rendre témoignage devant les hommes et devant l’Histoire, transmettre leur mémoire aux générations qui leur succédaient et défendre, envers et contre tout, l’idéal d’un monde de justice, de liberté et de paix.
Je veux ce matin rendre hommage à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites, sans oublier de remercier du fond du cœur, ces hommes et femmes qui, au péril de leur vie, en ont sauvé des centaines en leur offrant l’hospitalité de leur maison, tant à la campagne que dans la ville.
J’admire ces intrépides qui nous mettent en mémoire les vertus de ces deux commandements : « Souviens-toi et protège ».
Encore trop méconnus, les « Justes » méritent amplement notre gratitude, notre profonde reconnaissance. Comme nous le rappelle Hanna Arendt, s’il y eut une banalité du Mal, il y eut aussi une conjuration du Bien qui se mit en œuvre.
Beaucoup de français juifs furent sauvés des griffes nazies grâce à l’action des patriotes qui refusèrent la collaboration. Sans ces actes de courage, il est probable sinon certain que les 13 152 Juifs de Paris et de sa banlieue, parmi lesquels 4 000 enfants, raflés les 16 et 17 juillet 1942, eût été largement supérieur.
Ces malheureux furent arrêtés dans le cadre d’une arrestation massive, opérée à la demande de l’Occupant, mais organisée et exécutée par l’Etat français, avec le concours zélé de 9000 policiers et gendarmes mobilisés par René Bousquet, délégué en zone nord du gouvernement de Vichy.
Dates funestes, à jamais inscrites dans le martyrologe de la communauté juive de France.
Les films anciens nous les montrent entassés au Vel’ d’Hiv dans une promiscuité épouvantable, privés d’hygiène sommaire, dormant par terre mais ne pouvant trouver le sommeil, des haut-parleurs vociférant jour et nuit.
Nous connaissons leur funeste destin. Certains furent transférés en juillet dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande dans le Loiret, d’autres dirigés le mois d’août sur Drancy, puis convoyés vers Auschwitz-Birkenau. Moins d’une centaine d’adultes en revinrent.
En France, dans les années noires où Vichy collaborait avec le régime nazi, plus de 76 000 juifs, hommes, femmes et enfants, furent déportés avant de disparaitre en fumée, sans prières ni sépultures, dans les camps de la mort où les bourreaux n’avaient d’humains qu’un physique sans âme.
Dans son livre « Le Pain perdu », Edith Bruck, rescapée d’Auschwitz, écrit : « Dans les camps, on était tué pour un rien. On mourrait sans même s’en apercevoir. Il fallait être invisible. » Et de mettre en garde les nouvelles générations contre « les valeurs menacées par les virus de l’indifférence et de la haine ».
Oui, sans cesse faudra t-il se remémorer ce passé tragique. Nul ne doit oublier ce que Primo Levi a décrit comme « un monde de larves et de morts, où la dernière trace de civilisation avait disparu autour de nous et en nous. »
A ce devoir de mémoire, le CRIF Marseille Provence est viscéralement attaché. C’est pourquoi il s’associe pleinement à cette cérémonie. Les atrocités commises doivent être connues, expliquées, commentées à tous les enfants. Ils doivent savoir les mécanismes de l’abjection qui ont engendré tant de malheurs, tant de souffrance, sur cette terre de France.
Le racisme et l’antisémitisme n’ont pas disparu. La forme a peut-être évolué, mais le fond reste le même.
Car la haine du juif est toujours là. Certains sont insultés, moqués, d’autres attaqués gravement ou tués.
Pour toutes ces raisons, qu’il me soit permis enfin de rappeler que l’horreur vécu confère aux Juifs le rôle de vigiles de l’Histoire, car depuis qu’il existe ce peuple, minorité au sein des Nations, traverse les siècles par sa capacité à résister, à ne jamais subir l’oppression, quel qu’en soit le prix à payer.
C’est là le plus précieux héritage de la chaîne de nos générations aguerries aux épreuves du temps.
Mesdames et Messieurs, chers amis, merci de votre attention ! “