Discours de M. Bruno BENJAMIN, Président du CRIF Marseille Provence
À l’occasion du 76e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.

Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Dans la vie des hommes, la mémoire est une longue liste de dates, de lieux, de noms et de visages que l’on n’oublie jamais.
Cette mémoire nourrit l’histoire et nous rappelle les horreurs du régime nazi qui, pendant les 2 194 jours que dura la seconde Guerre Mondiale, constitua la tyrannie la plus immonde et la plus destructrice des âmes qui ait jamais entaché les pages de l’Histoire avec un grand H.
Alors, en cette date du 27 janvier 2021, la journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah et de la libération du camp d’Auschwitz, que le Temps qui passe tendrait à effacer si la conscience d’Hommes éclairés ne venait pas là où d’autres l’ont obscurcie, ce travail de Mémoire n’est pas de réparer le passé en l’évoquant, mais de repenser le présent et de préparer le futur, en l’invoquant et en exposant à son éclairage, les conséquences de nos actes, de nos paroles et de nos pensées.
Cela ne peut être ignoré et encore moins oublié. Et parce que la mémoire repose sur les réminiscences et les sentiments, notre présence ce matin témoigne d’abord du lien affectif qui nous lie à l’ensemble des victimes de la barbarie; à ceux qui ont été internés comme à ceux et celles qui ont été blessés, menacés, séquestrés, avilis et tués.
Ici, dans cette ancienne tuilerie, entre 1939 et 1942 plus de 10 000 personnes de la zone dite « libre » (en fait 14 500 sur décision de Pierre Laval) furent livrées aux nazis par le gouvernement de l’Etat français installé à Vichy, des réfugiés fuyant le totalitarisme d’entre eux étaient des intellectuels et artistes, Max Ernst, Hans Bellmer, Karl Bodek, Lion Feuchtwanger qui fut l’ami de Bertolt Brecht, ou encore Otto Meyerhof, prix Nobel de médecine en 1922.
Ils furent rejoints par plus de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs dont le plus jeune n’avait pas un an.
En août et septembre 1942, sur ordre de Pierre Laval, chef d’un gouvernement complice de l’Occupant, ces 2000 personnes furent déportées vers le camp d’extermination d’Auschwitz, via Drancy et Rivesaltes.
Leurs noms sont gravés dans la pierre, capital mémoriel qui fait du camp des Milles un lieu unique, permettant le passage d’une histoire tragique à une histoire critique. Car toute visite ici à une dimension pédagogique : transmettre à tous l’esprit de vigilance et de résistance, fort bien mis en valeur par Alain Chouraqui et son équipe que je salue.
Ceux qui avaient été ciblés, étaient des Juifs, comme s’ils n’appartenaient pas à la communauté nationale. La haine du juif, c’était le mobile premier. D’autres l’ont dit avant moi, cette haine venait de loin, traversant les siècles, mais ne vous y trompez pas, Mesdames et Messieurs, elle est toujours là, portant le masque de l’antisémitisme.
Autrefois affiché et assumé, le phénomène resurgit épisodiquement aujourd’hui en France, entretenu dans certain terreau du séparatisme.
Nous avons tous en mémoire les noms de Ilan Halimi, de Mireille Knoll, l’attentat de l’Hyper Cacher, d’autres faits-divers choquant, et même, maintenant, ayant muté comme un virus, un antisionisme qui flirte avec l’antisémitisme.
Les injures racistes proférées récemment sur Twitter et visant April Benayoum, Miss Provence, première dauphine de Miss France, est typique d’une dangereuse évolution.
On ne compte d’ailleurs plus les gens qui sont vilipendés sur les réseaux sociaux, ciblés par une haine idéologique.
Malgré l’indignation suscité, je crains que les mots et l‘arsenal du droit ne suffiront à endiguer les flots charriés par ces vecteurs de communication. Le moment est venu de dire, haut et fort, que tout n’est pas permis dès lors que la dignité d’une personne est en jeu.
On ne peut continuer à laisser se déverser la haine antisémite sans réagir. Le débat sur la préservation de l’anonymat est ouvert. La responsabilité des plateformes en ligne – qui ont accès à l’identité réelle de ceux qui utilisent leurs réseaux – est engagée. Elles ne peuvent plus invoquer une quelconque neutralité.
Aux législateurs, je dis que le poison de l’antisémitisme s’insinue quotidiennement dans toutes les strates de la société, inoculé ou répandu par les praticiens de l’exclusion, et qu’ils doivent impérativement y mettre un terme. Il en va de l’équilibre, de l’assise même de notre société fondée sur les valeurs de la République et des droits de l’Homme,
je vous en remercie.