f77e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz et de la Journée internationale de la commémoration en mémoire des victimes de la Shoah.
Discours de M. Bruno BENJAMIN, Président du CRIF Marseille Provence
En inaugurant en 2005 le mémorial de la Shoah, le président Chirac commença par ces mots tirés de la Bible : « SOUVIENS-TOI. N’OUBLIE JAMAIS ».Il est des dates à jamais gravées dans la mémoire de l’humanité. Le 27 janvier 1945 est de celles-là. Ce jour-là, quand les soldats soviétiques de la 100e division de la 60e armée du général Krasavine investirent le camp d’Auschwitz-Birkenau, ils découvrirent l’indicible. Nul récit, nul mot ne pouvait rendre compte des souffrances qu’avaient endurés des êtres décharnés, pantelants, épuisés par la faim, le froid et les maladies, vision dont l’écrivain russe Vassili Grossman dira que « Danté, dans son Enfer, n’avait rien vu de si atroce. » Un crime qui n’avait pas de nom, parce que jamais commis dans l’humanité. Grossman savait ce qu’il disait, puisqu’il avait suivi l’avancée des troupes russes. Le futur auteur de « L’Enfer de Treblinka », qui témoigna au procès de Nuremberg, fut l’un des premiers à comprendre le processus d’élimination des Juifs d’Europe. Et un des tous premiers à définir la Shoah, à tenter d’en expliquer les mécanismes, au fur et à mesure qu’il accédait à une réalité inimaginable. Car, si les victimes d’Auschwitz n’étaient pas toutes juives, tous les juifs furent victimes. Une catastrophe unique par son ampleur : 6 millions d’hommes, de femmes et d’enfants exterminés, soit les trois-quarts des Juifs d’Europe, et plus du tiers de la population juive dans le monde. Ce crime organisé, conçu à grande échelle, était effectivement unique par sa méthode, bureaucratique et industrielle. Nous savons, par des témoignages et œuvres d’historiens que les nazis avaient fait de la « solution finale ». Un problème dont ils étaient résolus à le régler par tous les moyens. D’abord dresser des listes avec des noms de personnes identifiées comme juifs, puis aller les chercher pour les rafler. Entouré de barbelés et de miradors, Auschwitz, camp emblématique de la monstrueuse machine à avilir et à tuer, incarnait l’inhumanité du régime qui programma l’extermination. On estime à plus d’1 100 000 hommes, femmes et enfants qui y sont passés, dont la très grande majorité était juive, mais aussi de nombreuses personnes arrêtées pour leurs différences : tziganes, communistes, prisonniers politiques, ou encore des homosexuels. Tous ont été délibérément affamés, torturés, puis assassinés et brûlées. Le monde fut saisi d’épouvante en voyant les images ou des extraits de films. Physiquement et moralement brisés, les rescapés dans leur pyjama rayé avaient été privés pendant 9 jours de nourriture, de chauffage et de soins. Ils avaient été moqués, humiliés, déshonorés par des kapos, pour la plupart de sadiques criminels de droit commun. Le système mis en place était de tuer rapidement, massivement et inexorablement pour éliminer les derniers survivants. Avant de s’enfuir, les criminels essayèrent de détruire ou d’effacer les traces de leurs forfaits, d’assassiner les témoins oculaires, de brûler des listes et des dossiers, pour qu’il ne reste rien de leur abomination. On ne dira jamais assez que le racisme fut le levier utilisé par Hitler pour imposer sa funeste et cynique doctrine, celle-là même qui allait nourrir l’antisémitisme, l’eugénisme, et toutes les déficiences physiques et mentales.Le racisme est la composante essentielle des camps comme il a été l’élément majeur de tous les génocides.« L’histoire est un cauchemar dont j’essaie de m’éveiller », disait Stephen Sweig qui avait fui l’Autriche en 1934, dès qu’il comprit la nature d’un régime mû par les forces obscures. Dans une atmosphère déjà étouffante, l’écrivain avait pressenti que la liberté la plus élémentaire allait être remplacée par la plus effroyable des tyrannies. Les horreurs du régime hitlérien, pendant les 2 194 jours que dura la Seconde Guerre Mondiale, ont été décrites à juste titre comme la tyrannie la plus immonde et la plus destructrice qui ait jamais entaché les pages de l’Histoire avec un grand H. Cela ne peut être ignoré et encore moins oublié. C’est pourquoi notre présence, aujourd’hui, à l’occasion du 77e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau et de la Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah, témoigne du fil continu qui nous relie à elles. Mesdames et messieurs, ne laissons pas la propagande et la falsification de l’histoire sans réponse. Ne laissons passer aucune des contre-vérités révisionnistes qui font le lit du négationnisme, aujourd’hui comme demain. Ici aux Milles, comme cela a été rappelé, entre 1939 et 1942 plus de 10 000 personnes de la zone dite « libre » furent internés et une partie livrée aux nazis par Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy. C’étaient des réfugiés de plusieurs nationalités fuyant le totalitarisme et les persécutions. Ils furent rejoints par plus de 2 000 hommes, femmes et enfants, dont le plus jeune était un bébé. Sur ordre du même Laval, ils furent en août et septembre 1942 déportés vers le camp d’extermination d’Auschwitz, via Drancy et Rivesaltes. Leurs noms sont gravés dans la pierre, ce qui confère au camp des Milles la dimension d’un lieu hautement mémoriel. C’est une bonne chose que l’Education soit au centre du projet pédagogique de ce lieu unique. Expliquer encore et toujours… Enseigner dans nos collèges et lycées que la Shoah est d’abord le résultat d’une obsession antisémite des dirigeants nazis qui voyaient partout un prétendu « danger juif ». La haine du juif était le mobile premier des exactions, des persécutions. Apprendre cela à nos enfants, c’est communier avec Simone Veil qui disait que « les déportés ne sont jamais sortis des camps, que leur esprit y est resté, et que la Shoah continue de hanter leur vie et leurs nuits. » Aux garçons et filles de 2022, je leur dis du fond du cœur : notre passé regorge de leçons à répétition. Mais nous continuons souvent à ne pas nous rappeler, comme si nous naissions à la vie. Ce travail de mémoire ne sert pas à réparer le passé en l’évoquant, mais de repenser le présent et de préparer le futur. A nos gouvernants je dis, quand on s’en prend aux juifs de France, c’est à la France tout entière que l’on s’attaque. Alors mettez tout en œuvre pour mettre fin à ce fléau et pour y mettre fin il faut agir sans relâche, sans indulgence et sans largeur d’esprit. Depuis 2003, 12 juifs ont été assassinés parce que juifs. Merci de votre attention et de votre soutien !