Hier matin, se sont déroulées les cérémonies de commémoration de l’évacuation des quartiers du Vieux- Port et de l’Opéra des 22 et 23 janvier 1943.

Discours de Monsieur Bruno Benjamin , Président du CRIF MARSEILLE PROVENCE 

 

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs les représentants des institutions et associations juives de Marseille,

Chers amis,

La mémoire est une activité collective qui plonge ses racines dans la longue durée. Les événements que nous commémorons aujourd’hui, sur la trame d’une barbarie dans ce qu’elle a de plus ignoble, de plus abject, ont eu lieu il y a 77 ans, dans ce quartier de l’Opéra et sur l’autre rive du Vieux-Port.

Le temps faisant son œuvre, nombre de celles et ceux qui les ont vécue ont disparu, mais cette tragédie est à jamais ancrée dans la conscience de notre ville.

Les souvenirs de ces rafles opposent un obstacle à toute tentative d’oubli. Si nous tenons à ce que de telles cérémonies aient lieu chaque année, c’est d’abord pour invoquer l’ampleur et la gravité des décisions prises à l’époque et qu’il est indispensable de méditer.

Ce devoir de mémoire doit se perpétuer, et je me réjouis de la présence des jeunes dans cette assistance. En lisant les récits des historiens, en s’imprégnant du narratif des sommations, arrestations et déportations, ils sauront que ce lieu a été le théâtre d’affrontement des vies, des idées et de deux visions différentes de la dignité humaine. Car ce qui fait justement une vie a été ici atrocement défait en janvier 1943.
Les vociférations de la soldatesque ne se sont pas encore estompées : elles martèlent tout cerveau hanté par le bruit lancinant des bottes, des cris et des ordres aboyés dans des maisons investies manu militari… Il suffit d’y penser pour qu’on soit saisi d’effroi, envahi d’un sentiment d’injustice, de colère, de révolte.

Les faits ont été rappelés, je n’y reviens donc pas. Pour aller à l’essentiel, les rafles des 22 et 23 janvier 1943 illustrent, de manière avérée, indiscutable, la logique de la collaboration de l’Etat français établi à Vichy avec le régime nazi.

Pendant ces deux jours et tout au long des semaines qui suivirent, plus de 4 000 personnes furent arrêtées dans ce secteur du centre-ville. Parmi eux, 782 de nos frères et sœurs furent parqués dans la prison des Baumettes, puis envoyés vers Compiègne pour achever ce parcours de la mort dans les camps d’extermination de Sobibor.

Hier comme aujourd’hui, c’est tout le problème du Mal qui est posé. Il s’impose à chacun d’entre nous, au nom de toutes les victimes innocentes, pourchassées à cause de leur origine, épuration raciale minutieusement organisée, et conforme aux souhaits de Hitler avec ses outrances, ses vilenies, son inhumanité.

De cela, nous n’en voulons plus. La noblesse de l’homme commence au moment où il perçoit de funestes dangers. Car il s’agit de situer le Mal, le Mal qui a le visage de l’antisémitisme, de le définir, de le démasquer sans jouer sur les mots. Il s’agit surtout de le regarder en face et de lui donner son nom en lui signifiant qu’il n’a pas sa place dans une société fondée sur les valeurs de la République.

Aussi c’est en souvenir de ses 6 millions de victimes que nous revendiquons haut et fort notre histoire et celle de l’identité juive…..Identité qui ne se résume pas à une longue liste des persécutions de victimes et des tentatives d’ané…antissement.
Les juifs c’est un peuple, une religion…..c’est aussi un fait humain, une culture, des empreintes, un monde spécifique, composite par sa diversité, et porteur d’un message universel depuis près de 6000 ans.
Toute prise de parole ici a une dimension pédagogique. L’antisémitisme n’appartient pas au passé. Le phénomène est récurrent en dépit des appels à la vigilance, des mises en garde régulièrement réitérées.
Il nous appartient de rappeler que la haine du Juif et, à travers elle, la détestation d’Israël et tous les clichés qui leur sont accolés, transcendent les âges, puisqu’ils imprègnent encore les esprits faibles, malléables ou médiocres, quand ils ne les conduisent pas à des meurtres aussi révoltants, aussi injustes que celui de Sarah Halimi.
Le Monstre rode partout, colportant sa doctrine raciste et xénophobe, abusivement présent sur les réseaux sociaux, triste réalité qui, malgré toutes les tentatives d’éradication, prospère en y faisant des ravages. La Toile est devenue un exutoire où se dévident de vils instincts. Les dérapages et autres déviances sont pour le moins inquiétants.

Cela doit être rappelé ce matin, sur cette place dédiée à la Culture, où nous sommes rassemblés pour nous souvenir de la barbarie. Et demain, 27 janvier, journée instituant la libération du camp d’Auschwitz et des génocides, le monde entier aura à coeur de se recueillir en mémoire de millions de victimes.

Chers amis, ne voyons pas dans ces commémorations, une simple évocation du passé. Faisons en sorte que ce regard en arrière se mue en une projection sur le présent et l’avenir. Soyons lucides. La Bête n’est pas morte, la haine du Juif s’affirme en toute impunité. Partout la vigilance s’impose.

Le moment est venu d’apporter une pierre appréciable à la barrière que nous devons ériger, tous ensemble, contre la résurgence du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie.

Simone Veil citait :

Venus de tous les continents, croyants et non-croyants, nous appartenons tous à la même planète, à la communauté des hommes. Nous devons être vigilants, et la défendre non seulement contre les forces de la nature qui la menacent, mais encore davantage contre la folie des hommes.

Je vous en remercie !